Ce texte est destiné aux professionnels de l’information-documentation et plus généralement à toute personne se posant des questions sur la diffusion de l’information professionnelle et le droit de copie que cela suppose.
Les paragraphes qui suivent présentent synthétiquement le système français de droit d’auteur et son principal avatar : le droit de copie. Nous avons souhaité pour cette synthèse faire ressortir les points essentiels à retenir dans notre optique professionnelle. A ce niveau, beaucoup des distinctions juridiques, parfois subtiles, ont été volontairement ignorées.
Il faut qu’il s’agisse d’une "création" au sens concret de ce mot. En d’autres termes, il faut qu’il y ait une mise en forme pour faire naître la protection. Les conséquences de cette règle souvent méconnues par les non juristes et négligées par bien des praticiens sont immenses pour nos métiers de la transmission de l’information, comme nous allons le montrer plus loin. Il convient donc d’insister sur la nature et surtout l’étendue réelle de la protection par le droit d’auteur.
Nous touchons ici du doigt l’absurdité d’une loi qui, à l’évidence, n’a pas été conçue pour les professionnels de l’information. Il est sûr qu’on ne peut tout réécrire, ne serait-ce que pour des raisons pratiques et d’efficacité. Nous verrons quelle parade juridique on peut opposer à cette limite légale théorique.
Nous regrouperons l’autre série de droits moraux sous la même étiquette : il s’agit du droit de divulgation et de son inverse, le droit de repentir.
La divulgation consiste à porter l’œuvre à la connaissance du public, plus généralement, du monde, par une manifestation de volonté non équivoque. Le droit d’exercer cette divulgation appartient exclusivement à l’auteur. C’est lui qui par un acte volontaire met son œuvre dans le circuit économique (il porte la toile qu’il vient de peindre chez un marchand de tableau ; il propose son manuscrit à un éditeur ; il met son texte à la disposition du public sur Internet…). Lui seul peut accomplir cet acte de divulgation.
Cette divulgation n’est pas sans poser quelques questions dans l’exercice de notre profession. En effet, nous sommes parfois confrontés à des documents dont la divulgation n’est pas certaine. Il s’agit de toute la littérature grise ainsi que des documents internes à l’entreprise.
Le droit accorde un autre privilège à l’auteur : le droit de repentir. Celui-ci peut en effet retirer son œuvre de la circulation pour quelque raison que ce soit (le plus souvent parce qu’il la désavoue a posteriori). Concrètement un peintre peut faire détruire une de ses toiles qui se trouve entre les mains d’un collectionneur, moyennant bien sûr une "juste et préalable indemnisation". Pour des œuvres éditées, la manœuvre est plus difficile et en tous cas ne peut porter que pour les exemplaires non encore vendus, en stock chez l’éditeur. On imagine mal l’auteur courir le monde pour "rattraper" tous les exemplaires vendus et les arracher des mains de acquéreurs… Il s’agit là d’un privilège d’une force sans égale dans l’arsenal juridique de droit privé.
C’est à partir de la divulgation que vont naître les droits patrimoniaux.
On peut dénombrer quatre droits patrimoniaux principaux :
Le droit de suite vise l’hypothèse où l’œuvre de l’esprit, incorporelle par essence, se trouve indissociable d’un bien matériel. C’est le cas d’une peinture attachée à la toile ; c’est aussi fréquemment le cas d’une sculpture. C’est tout le marché des objets d’art qui est donc visé par le droit de suite. Ce droit établit très clairement qu’à chaque fois que le bien matériel incorporant une œuvre d’art est vendu, il doit revenir un pourcentage de cette vente à l’auteur.
Les droits d’adaptation, de traduction, d’arrangement et de transformation concernent l’auteur d’une œuvre "première" pour laquelle l’une des opérations énoncées sont prévues. C’est l’auteur seul qui donne son accord pour une telle œuvre dérivée.
Nous étudierons plus en détail les deux droits essentiels de représentation et de reproduction. Pour clore cette présentation générale, il convient de s’attarder encore un instant sur les droits moraux et patrimoniaux dans leur ensemble.
Au contraire, les droits patrimoniaux ont une durée de vie limitée. Ils sont en outre logiquement cessibles et négociables. Cessibles : on peut les céder à un tiers ; négociables : ils peuvent faire l’objet d’une rémunération en échange de la cession.
La durée des droits patrimoniaux est aujourd’hui portée uniformément dans tous les pays de l’Union européenne à 70 après la mort de l’auteur. Passé ce délai, l’œuvre est dite tomber dans le " domaine public ". Cette notion nous amène à dissiper une confusion fréquente entre diverses notions proches.
L’œuvre tombée dans le domaine public est celle dont le droit patrimonial ne peut plus être exercé parce qu’arrivé à échéance (70 ans après la mort de l’auteur). Mais le droit moral demeure toujours sur cette œuvre. Celle-ci ne peut donc, en principe être dénaturée et on doit toujours l’attribuer à son auteur.
L’œuvre exclue du droit d’auteur est une œuvre qui, pour des raisons logiques ou pour des impératifs définis par la loi n’entrera jamais sous la protection du droit d’auteur.
Dans le premier cas, il ne s’agit pas d’une œuvre protégeable, parce que dépourvue d’originalité au sens du droit.
Ainsi en est-il des nouvelles de presse qui par leur banalité ne portent pas l’empreinte de la personnalité de leur auteur (ce qui est la définition de l’originalité). Titrer " Mitterrand à Moscou " lorsque ce dernier s’y rend, n’a rien d’original, il s’agit de la simple désignation par des mots courants d’un fait.
Bien
que la question soit discutée, il semble admis que les dépêches
d’agence courtes soient également dépourvues d’originalité
pour la même raison : elles reprennent des faits avec des mots simples.
Mais cette solution ne saurait être admise pour des dépêches
dont la teneur engage davantage la plume du correspondant ou du journaliste.
(cf. aussi le cas des photographies)
Le deuxième cas concerne
les actes officiels et les décisions de justice. Cette solution
non écrite mais consacrée par une longue pratique juridique
semble trouver son fondement dans l’adage
Nul n’est censé ignorer
la loi. En effet, si nul ne doit ignorer la loi, il est inconcevable
qu’on freine la circulation de celle-ci par le mécanisme du droit
d’auteur. La solution française prévoit donc que les actes
officiels soient totalement exclus du champ d’application du droit d’auteur.
Si l’on s’en tient logiquement au fondement de cette règle, il apparaît
que seuls les textes officiels ayant force obligatoire soient ainsi exclus
du droit d’auteur (lois, décrets, arrêtés et aucun
autre texte).
De la même manière,
nul
n’est censé ignorer ce que décide le juge au nom de la loi.
Il est donc admis que les décisions de justice entendues dans un
sens strict (la décision rédigée par le magistrat
et elle seule) soient exclues du droit d’auteur.
La question se pose, contrairement à une opinion trop répandue, de la liberté de reproduction des normes ayant acquis force obligatoire suite à leur homologation par un arrêté ministériel.
La seule exception qui soit admise au droit de représentation est la représentation gratuite effectuée dans le cercle de famille. Il est utile de la mentionner, compte tenu du rôle qu’elle pourrait jouer dans les années à venir. Mais nous ne la développons pas ici (cf. ci-dessous VIII).
On classe généralement les exceptions au droit de reproduction en deux catégories :
En effet, des débats jurisprudentiels ont conduit à se poser des questions sur la plupart des mots de cette expression en apparence anodine usage privé du copiste.
Il n’est pas douteux qu’usage signifie utilisation personnelle et individuelle de l’œuvre ainsi copiée. En conséquence, usage doit s’entendre d’une copie unique par copiste.
Jusqu’à une date assez récente, on pouvait penser qu’était nommé copiste la personne qui effectuait la copie. Un célèbre arrêt de la Cour de Cassation est venu jeter le trouble dans les esprits en considérant que dans certains cas le copiste est plutôt la personne (ou l’organisme) qui a fourni les moyens d’effectuer le copie. C’est ainsi qu’en 1984, l’arrêt Rannou-Graphie a considéré qu’un copy-service devait être considéré comme le copiste au sens de la loi dès l’instant que, détenteur du photocopieur, il l’avait alimenté en électricité, en encre et en papier et en avait retiré un bénéfice analogue à celui d’un éditeur. C’est bien sûr cette dernière notion, de concurrence parasitaire, qui a présidé au choix de cette solution sans laquelle il était difficile de condamner les copy-shops en libre service.
La dernier en date des états d’âme terminologiques porte sur le mot privé. Qu’entend-on par usage privé ? Jusqu’alors, on considérait qu’un usage non public et de plus individuel constituait un usage privé. Depuis peu (dès 1987 en fait) une thèse lancée semble-t-il par les éditeurs tendraient à faire admettre l’interprétation restrictive du mot privé. Serait ainsi usage privé, l’usage d’un individu pour sa vie privée. Dès lors tout usage dans un cadre professionnel, fût-il strictement individuel ne serait pas privé. On opposerait ainsi usage privé à usage professionnel. Pour être clair, cela signifierait que toute copie individuelle, dès lors qu’elle est effectuée dans un cadre professionnel, cesserait d’entrer dans le champ de l’exception d’usage et requerrait par conséquent l’accord de l’auteur… Cette thèse n’est aujourd’hui pas admise par la majorité des auteurs de doctrine en droit d’auteur. On comprend qu’une telle restriction à la libre reproduction ne peut que bénéficier à ses promoteurs, les éditeurs.
La citation, pour être licite doit être courte. La notion de courte citation s’apprécie dans la proportion entre la longueur de l’œuvre citée et celle de la citation extraite. En dernière analyse, c’est le juge qui apprécie au cas par cas la longueur de la citation. En outre, rappelons-le, pour être licite la courte citation doit s’inclure dans une œuvre citante. Une très célèbre jurisprudence (Microfor contre Le Monde) a estimé qu’une banque de données (ou un bulletin bibliographique) constituait valablement une œuvre citante justifiant la présence de courtes citations.
La notion de revue de presse appelle davantage d’explications.
A la lecture de la seule loi, on pourrait croire qu’une revue de presse, au sens où nous l’entendons en documentation, est licite. Or des juges sont venus régulièrement dissiper nos rêves et restaurer ce que le législateur n’avait pas osé transcrire : les revues de presse seraient l’apanage des organes de presse. Il s’agirait en quelque sorte d’un droit de se citer mutuellement, et ce droit leur serait réservé.
C’est forts de cette pratique jurisprudentielle que les éditeurs ont rebaptisé " nos " revues de presse en panoramas de presse, afin de bien distinguer le bon grain de l’ivraie. La revue de presse consiste à reproduire comparativement des articles émanant d’organes de presse différents sur un même sujet ou sur un même thème peut paraître licite. Mais celle consistant à fournir un panorama des événements et thèmes de l’actualité au travers d’articles de presse sélectionnés et sans redondance doit être considérée comme hors-la-loi (au vu de la lecture qui est faite de celle-ci aujourd’hui).
Les discours d’actualité sont les discours prononcés dans des lieux publics ou des assemblées publiques. Pendant le court délai que constitue l’actualité, leurs auteurs se voient suspendre l’exercice de leur droit en raison de l’impératif de circulation de l’information. Ainsi est reconnu par la loi un droit – d’intérêt général – à l’information qui vient faire échec momentanément au droit – d’intérêt privé – de l’auteur. Passé le délai d’actualité, l’auteur recouvre le plein et entier exercice de son droit d’auteur.
Du droit de reproduction qui est un des éléments du droit d’auteur au droit dit de copie, il y a peu de choses, tout au plus un mouvement médiatique.
On entend couramment par droit de copie le droit de reproduire librement une œuvre d’auteur. Si le droit de reproduction appartient à l’auteur, le droit de copie (donc le droit de copier) appartiendrait à l’usager. Ce serait une sorte de conquête de l’usager professionnel ou final, si largement ignoré, négligé par les lois.
L’expression droit de copie aurait un autre avantage, celui de gommer du langage français l’expression copyright encore trop souvent employée de manière abusive.
Par delà le respect du français, l’usage du mot copyright contribue à entretenir un malentendu entre deux systèmes juridiques distincts : le droit d’auteur et le copyright.
Il est important de ne pas confondre en effet trois notions distinctes :
Copyright au sens de la convention de Genève : Le mot Copyright, dérivé du droit anglo-saxon, vise dans les pays signataires de la convention universelle du droit d’auteur (Convention de Genève) la mention apposée sur tout document émanant d’un des pays signataires et signifiant que ce document est protégé dans le pays d’origine comme dans tous les pays signataires. Cette mention est très connue ; il s’agit du signe ã suivi du nom du titulaire des droits et de la date de publication. (bref historique)
Copyright (sens juridique originel) : Le Copyright est le système anglo-saxon de protection d’une œuvre. Par opposition au système français ou continental, le copyright protège avant tout celui qui a investi pour la diffusion de l’œuvre. L’auteur est rémunéré mais il ne peut s’opposer à l’exploitation de son œuvre (alors qu’en droit français, il peut rester pauvre et inconnu).
Ce sont donc deux philosophies qui s’opposent entre le droit à la française (héritage de la révolution) et le droit d’auteur à l’anglaise (plus ancien dans ses fondements). L’un protège l’auteur presque contre lui-même, l’autre de façon très pragmatique, sans négliger l’auteur protège surtout l’investisseur, c’est-à-dire le plus souvent l’éditeur.
La loi et son décret d’application ont introduit un système d’agrément ministériel des sociétés de gestion collectives destinées à gérer ces droits.
Par ce système, le privilège d’autorisation de l’auteur est sérieusement entamé, puisqu’il suffit que l’œuvre ait été publiée pour que ce dernier perde du même coup le droit d’autoriser les copies par reprographie, y compris de les autoriser à titre gratuit. Le système mis en place prévoit uniformément paiement d’une redevance à la société de gestion collective, dont il faut bien, au passage, assurer le fonctionnement matériel.
Tout d’abord, dans la droite ligne du droit classique de représentation, le fait de réaliser une exposition, c’est-à-dire de présenter des textes, des photos, des images, etc. constitue déjà une représentation de ces objets. En conséquence, il faut songer, lors de l’organisation d’une exposition , à gérer les droits de représentation des objets exposés.
Ensuite, on peut se poser la question de savoir si le droit de prêt ou de location qui menace les bibliothèques depuis certaine directive sur le sujet ne reposerait pas sur la notion de représentation de l’œuvre (lorsqu’on prête un livre, on en permet la représentation sous les yeux du lecteur ; c’est plus flagrant pour les médiathèques et les artothèques). D’aucuns rattachent ce droit à celui de représentation, d’autres le considèrent comme un nouveau droit d’exploitation de l’auteur.
Les cas les plus importants concernent la consultation des documents électroniques, quels qu’en soient le canal, le support et les moyens d’accès. Ainsi, lorsqu’on consulte une banque de données sur l’écran d’un terminal , il y a représentation de celle-ci. Et celle-ci n’est juridiquement possible que si je suis dans le cercle de famille ou si j’ai reçu l’autorisation de l’auteur de la banque de données. Si je décide de tirer sur imprimante cette consultation, je mets en œuvre le droit de reproduction de l’œuvre ainsi consultée. Si je décide de télédécharger le résultat de la consultation sur le disque dur de mon ordinateur ou sur disquette, il s’agit à nouveau d’une reproduction. En pratique, tous les contrats entre serveur de banques de données professionnelles et utilisateur prévoient la cession du droit de représentation et de reproduction.
La question se complique lorsqu’on envisage les consultations de services hors abonnements, donc hors contrat liant directement le fournisseur de service à l’utilisateur. Mais ceci appellerait d'autres développements.
D. Frochot - octobre 1998 / juin 2000
Questions
réponses - Plan de
Droit d'auteur Mode d'emploi - Droit
d'auteur Mode d'emploi
Internet
- principes juridiques - Internet
règles à respecter
Bibliographie-Consulter
le Code de la propriété intellectuelle
Retour
au plan du site