DROIT DE REPRODUCTION
ET DOCUMENT ELECTRONIQUE
Partie 3
III) LA CIRCULATION DE L'INFORMATION ET DES OEUVRES
AU TRAVERS DU DOCUMENT ÉLECTRONIQUE
Les difficultés qui se posent en matière de document
électronique, relativement au document traditionnel sur papier réside
dans la volatilité de l'objet et dans la démultiplication
des opérations de reproduction et/ou de représentation. Nous
laisserons de côté la question de la volatilité, déjà
signalée, à laquelle se rattachent certains aspects de dépôt
légal, et aussi de la preuve de la qualité d'auteur.
Pour comprendre la multiplicité des opérations de reproduction,
voire de représentation qui peuvent intervenir, il faut embrasser
l'ensemble de la chaîne de production de l'information afin de repérer
les points de passage obligés de l'une ou l'autre opération.
Nous nous concentrerons bien sûr sur les oeuvres assujetties
au droit d'auteur stricto sensu. Mais il nous faudra envisager également,
en marge du sujet, les oeuvre protégées par un autre droit,
comme il est prévu dans la proposition de directive européenne
sur les banques de données.
À l'origine est l'information... Celle-ci est mise en forme
par des auteurs ou reste brute. Dans la mesure où il y a oeuvre
d'auteur, le droit de l'auteur naît sur cette mise en forme.
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1) La question de la divulgation
La première question, préalable à toute idée
de document électronique, est de savoir si l'oeuvre est divulguée,
point de départ, on le sait des droits patrimoniaux. Sans cette
divulgation, aucune représentation ou reproduction ne peut être
faite, même si elle était autorisée par la loi. L'auteur
n'a en effet pas exprimé la volonté de communiquer son oeuvre
au public. La question peut se poser lorsqu'on est en présence de
littérature grise. Une pratique peu contrôlée juridiquement
fait que beaucoup de travaux d'étudiants, tels que mémoires
de DEA ou de maîtrise sont déposés dans les bibliothèques
d'université ou d'institut. Or il faut se poser sérieusement
la question de savoir si l'oeuvre a été divulguée.
Et rappeler par là même que l'étudiant reste auteur,
conformément à la loi7.
indépendamment du fait qu'il réalise son travail sous la
conduite de quelqu'un et en dépit de l'éventuelle confidentialité
du mémoire8.
Il convient donc d'être prudent sur ce terrain.
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2) Les reproductions en cascade
Supposons l'oeuvre divulguée. Entre le moment où une "trace"
de cette oeuvre entre sur une banque de données et l'instant de
sa communication à l'utilisateur final, un certain nombre d'opérations
de copies en cascade va avoir lieu.
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3) Statut juridique du traitement
documentaire
Microfor/Le Monde et le droit européen en gestation
Dans un premier temps, il va y avoir collecte du document et traitement
de l'oeuvre de l'auteur. Ce traitement est plus ou moins élaboré,
et aux divers niveaux de traitement correspondent diverses solutions. A
ce sujet, des solutions nationales ont étés énoncées
par la célèbre affaire Microfor/Le Monde. Cette affaire a
été très critiquée par les tenants du droit
d'auteur pur et dur. Elle a eu pour mérite d'ouvrir un espace de
liberté pour le travail documentaire et par voie de conséquence
pour la production des banques de données 9.
Sans entrer dans la polémique, puisque cette jurisprudence a été
contestée, il convient de rappeler rapidement les solutions dégagées
pour le travail documentaire10.
Aux termes de cette affaire, il est licite de reproduire des titres
de journaux ainsi que ceux des articles dans une banque de données
ou dans tout autre produit documentaire. La solution était de bon
sens mais méritait d'être rappelée, semble-t-il. On
voit mal en effet comment satisfaire à l'exigence du respect de
l'auteur et de son oeuvre et à l'obligation de "citer le nom de
l'auteur et la source11"
si on interdit cette reproduction à des fins purement signalétiques.
La question de l'indexation a été aussi évoquée.
L'indexation de textes consiste à repérer les idées
et informations qui sont contenues dans ces textes par des termes appelés
mots-clés, descripteurs... Or on l'a vu, les idées et par
voie de conséquences les informations sont de libre parcours. Repérer
celles-ci n'emprunte en rien à l'oeuvre protégée de
l'auteur, et en conséquence l'opération ne nécessite
aucune autorisation spécifique.
La question des résumés était plus délicate.
En effet dans le cas de Microfor, les résumés étaient
constitués par des morceaux de phrases extraites des articles
des auteurs. On sait combien on peut dénaturer les propos d'une
auteur par de telles pratiques12.
Ces résumés s'analysaient donc plus en de courtes citations
qui, comme on le sait, nécessitent pour être licites d'être
incorporées dans une oeuvre "citante". En l'occurrence, la Cour
de Cassation a estimé que ces courtes citations s'incorporaient
à la banque de données elle-même, solution qui a fait
grincer des dents plus d'une juriste puriste. La Cour de Cassation affirmait,
par ricochet, la qualité d'oeuvre d'auteur protégée
en tant que telle, de la banque de données13.
En outre, la Cour ajoutait un critère pour qu'un résumé
soit licite. Il fallait que celui-ci soit purement informatif, rédigé
dans un but documentaire et ne dispensant pas le lecteur de recourir à
la lecture de l'oeuvre première. Cette solution est passée
inaperçue dans sa portée technique. En effet, lorsqu'on enseigne
le résumé documentaire dans les bonnes maisons, on s'aperçoit
qu'il existe plusieurs types de résumés, plus ou moins fouillés.
Or si l'on suit la solution Microfor à la lettre, seul les résumés,
souvent dits signalétique, sont licites, à l'exclusion des
résumés qui déflorent le contenu de l'article.
Ce critère de non substituabilité du résumé
avait été repris dans la proposition de directive sur les
banques de données. Depuis sa rédaction approuvée
le 4 octobre 1993, cette distinction a disparu. Les instances européennes
considèrent qu'un résumé, quel qu'il soit n'emprunte
en rien au texte de l'auteur (puisqu'il y a réécriture de
l'information)14.
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4) Le cas du texte intégral
Dans la perspective de la restitution de l'information qui part du plus
signalétique (titres), en passant par divers niveaux d'information
(indexation, résumé) pour arriver à une information
complète, il reste la question du texte intégralement reproduit.
Celle-ci n'avait pas lieu d'être évoquée dans l'affaire
Microfor. La solution est simple d'ailleurs. Dès l'instant qu'il
s'agit de reproduire un texte d'auteur intégral, qu'il s'agisse
du document primaire ou de son résumé réalisé
par l'auteur ou par la rédaction de la revue, on retombe naturellement
dans le principe du droit de reproduction, celui de l'accord de l'auteur.
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5) Le cas des "autres matières"
Il faut envisager, en parallèle des documents primaires assujettis
au droit d'auteur, l'hypothèse dans laquelle la banque de données
est constituée d'informations brutes15.
La question se pose de savoir ce qu'est une information brute . Vue sous
l'angle juridique la réponse est peut-être plus simple. Il
s'agit de toute donnée non soumise au droit d'auteur, telles que
des informations chiffrées, des données de fait comme des
noms et adresses d'entreprises, etc.
Dans ce cas de figure, la Cour de Cassation a dénié à
des banques de données compilant des informations brutes de ce genre
la qualité d'oeuvre de l'esprit, pour défaut d'originalité.
La solution, si elle est logique au regard des principes du droit d'auteur,
peut paraître choquante eu égard à l'investissement
que représente la constitution d'une telle collection de données.
La notion de valeur ajoutée n'est pas protégeable par le
droit d'auteur.
C'est pourquoi, avec un certain réalisme économique,
les instances européennes ont envisagé la création
d'un droit spécifique, non fondé sur le droit de propriété
littéraire, et pour cette raison appelé depuis la dernière
rédaction "droit sui generis"16.
Ce droit de protection se fonde sur la notion de valeur ajoutée,
d'investissement, en d'autres termes sur le prix de l'effort.. Ainsi, lorsqu'une
banque de données n'est pas constituée d'éléments
d'origine soumis à droit d'auteur mais "d'autres matières"17,
elle bénéficie malgré tout d'une protection. Celle-ci
réside principalement dans le droit de s'opposer à une extraction
non autorisée de parties substantielles de la banque de données
ainsi constituée.
Cette création d'un droit sur la banque de données nous
amène à nous pencher sur l'étape suivante dans le
circuit de l'information : la création puis l'exploitation de la
banque de données.
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Mise en page Web : octobre 1999