DROIT DE REPRODUCTION
ET DOCUMENT ELECTRONIQUE
IV) LA BANQUE DE DONNÉES OBJET DE DROIT D'AUTEUR
1) Le choix ou la disposition
des matières protégé par le droit d'auteur
À l'issue du traitement documentaire, naît donc la banque
de données, qui peut s'analyser en un produit documentaire, en une
oeuvre d'auteur à son tour. La question pourra se poser là
aussi de la divulgation de cette oeuvre. Nous n'y insisterons pas, les
questions déjà posées pouvant être aisément
appliquées au cas présent. L'important est de souligner qu'il
naît un droit de protection sur la banque de données. L'affaire
Microfor/Le Monde en France on l'a vu avait réaffirmé cette
réalité. Les instances européennes l'ont aussi expressément
prévu et aménagé. Elle prévoit en effet la
protection d'une banque de données par le droit d'auteur dans la
mesure où celle-ci est originale de par le choix ou la disposition
des matières collectées. Ce choix ou cette disposition de
matières constitue "la création intellectuelle propre à
son auteur"18.
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2) Droit d'auteur et/ou droit
sui generis
Le système de protection peut donc être double : si la banque
de données reprend des oeuvres d'auteurs, le choix et la disposition
de ces oeuvres justifie un droit d'auteur du créateur de la banque19.
Si la banque de données reprend des matières non soumises
à droit d'auteur, cette collection de matières est en outre
protégée par le droit sui generis évoqué plus
haut.
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V) CIRCULATION ULTÉRIEURE DES INFORMATIONS
Nous synthétiserons la suite du parcours de l'information
depuis la mise à disposition de la banque de données jusqu'à
l'arrivée des données entre les mains de l'utilisateur final,
les questions à régler étant presque toujours les
mêmes, en quelque point du circuit que ce soit.
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1) Schéma d'ensemble
Après sa création, la banque de données est mise à
la disposition du public, rendue accessible à celui-ci sur
un serveur ou sur un support autonome et livré au client (CD-ROM,
disquette).
L'utilisateur va donc pouvoir accéder aux informations et données,
via le réseau (hypothèse serveur) ou en local (hypothèse
CD-ROM ou disquette).
Cet utilisateur va ensuite accéder concrètement à
certaines données et les consulter.
Il pourra même les télédécharger sur son
matériel.
Enfin il pourra retraiter ces données en vue de les diffuser
à un utilisateur final.
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2) Incidence du droit de reproduction
et du droit de représentation
La loi définit en termes très généraux la notion
de reproduction, de même que celle de représentation. Toutes
les fois qu'il y a changement de support de l'information, des données,
il y a reproduction. Et dès lors que les données copiées
sont assujetties au droit d'auteur, la question du principe d'accord de
l'auteur ou des exceptions de libre reproduction doit se poser. De la même
manière, dès qu'il y a visualisation d'une oeuvre appartenant
à un auteur, notamment sur un écran de terminal ou d'ordinateur,
il y a représentation de cette oeuvre.
En d'autres termes, lorsque je consulte une banque de données
sur Minitel et que je visualise des textes qu'elle contient, je les représente.
Si je suis dans le strict cadre du cercle de famille (mon domicile) j'en
ai le droit. Sinon (à mon bureau, dans une bibliothèque)
je dois avoir été autorisé par le producteur de la
banque de données pour accéder à cette représentation.
Si après une rapide lecture du document, il me paraît
correspondre à mes besoins et que je le tire sur mon imprimante
ou que je le télédécharge sur le disque de mon ordinateur,
je reproduis le même document, et je dois avoir reçu l'autorisation
pour le faire.
En pratique, pour ces deux cas, les contrats des serveurs spécifient
que l'utilisateur abonné se voit céder pour les besoins de
ses interrogations les droits de représentation et de reproduction.
Ce contrat suppose en principe que le serveur, intermédiaire commercial
le plus fréquent entre l'abonné et les producteurs, ait lui-même
négocié les même droits auprès du producteur
de la banque de données, lequel les a lui-même obtenus, le
cas échéant des auteurs des oeuvres premières incorporées
dans la banque de données. On voit, par ce rapide survol des situations
contractuelles imbriquées, l'existence d'une cascade de droits d'auteur...
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3) Autres cas de reproduction
Pour être complet et concret, nous terminerons par tous les autres
cas de droit de reproduction.
Nous avons évoqué l'hypothèse, de plus en plus
répandue du télédéchargement des interrogations
de banques de données20.
Cette pratique se révèle être d'un grand confort, l'utilisateur
ayant la possibilité de retravailler les documents et autres données
sous un traitement de texte pour en obtenir la présentation qui
lui convient. Une deuxième utilisation du télédéchargement
est la récupération de données en vue de les réintégrer
sur une banque de données interne ou personnelle.
Dans les deux cas de figure, la réutilisation des données
de la banque doit être effectuée en conformité avec
le droit d'auteur et, si la directive est adoptée en l'état,
du droit sui generis, le cas échéant. Notamment : "retravailler"
la présentation des documents extraits d'une banque de données
n'entraîne pas la possibilité d'attenter au droit moral de
l'auteur qui possède à la fois un droit au respect de son
oeuvre (ne pas changer le texte) et au respect de son nom (citer la source,
donc). La citation de la source peut paraître parfois délicate
compte tenu des niveaux d'imbrications des auteurs partenaires. Prenons
l'exemple de l'interrogation sur la banque de données PASCAL d'une
référence d'article de périodique sur le droit d'auteur
en documentation... Qui doit-on citer à l'appui de la reproduction
de la référence bibliographique enrichie d'un résumé
? Réponse : en principe PASCAL en tant qu'auteur collectif. Mais
il arrive que le résumé ait été fourni par
un partenaire extérieur dont la mention est indiquée en fin
de résumé. En l'occurrence, ce pourrait être l'INTD.
Le document étant remis en forme21
par les soins de l'utilisateur, il va continuer de circuler. Toutes les
fois qu'une copie papier sortira de l'imprimante, il y aura reproduction
du document final, contenant des éléments soumis à
droit d'auteur.
Autant le dire d'emblée, à ce jour, la situation générée
par le télédéchargement demeure très largement
dans l'illégalité. Pour ce qui est du retraitement de textes
en vue de leur diffusion dans une meilleure mise en page, il semble que
l'ensemble des partenaires ferment les yeux (serveurs et producteurs).
Mais l'hypothèse de récupération de données
provenant d'une première banque pour constituer des parties d'une
autre banque de données peut friser le parasitisme et être
sanctionnée comme telle. Il n'est pas pensable qu'un producteur
ait consacré une énergie certaine à accumuler sur
un même thème des données qu'il a soigneusement recherchées
et collectées pour sa banque de données et qu'un second producteur
puisse lui faire concurrence en extrayant des parties importantes
de ce fonds pour constituer à son tour une banque de données
sans contrepartie financière.
Pour ce genre de récupération de données la proposition
de directive renvoie expressément au contrat liant l'utilisateur
et le producteur de la banque de données22.
En l'absence de dispositions contractuelles, "l'acquéreur légitime"
(entendons le client) se voit investi du droit d'effectuer les mêmes
actes que le producteur dans la mesure où ils sont nécessaires
à l'accès aux données23.
Au titre du droit sui generis, il est prévu que "l'utilisateur
légitime" puisse extraire des parties non substantielles d'oeuvres
ou de matières issues de la base, avec obligation de citer la source
dans le cas d'une utilisation à des fins commerciales, et sans cette
obligation pour des utilisations non commerciales24.
On voit ainsi que le droit européen en gestation est assez libéral
puisqu'il instituerait un droit de citation couvrant des parties non substantielles
d'oeuvres ou de matières. Il faut cependant reconnaître que
la notion de "partie non substantielle", bien que définie dans le
projet, n'est pas d'une clarté flagrante25.
Il est question de ne pas porter préjudice aux droits exclusifs
d'exploitation du titulaires des droits sur la base de données.
On pourrait espérer définition moins floue et par conséquent
moins sujette à conflit.
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Conclusion
Ce rapide survol de la circulation du document et partant, de l'information
aura montré la complexité et la richesse de la question,
sans prétendre en épuiser les charmes. Pour conclure, il
nous faut rappeler un point de technique juridique avant d'évoquer
une dernière fois cette mat!ère qui sera l'enjeu du XXIè
siècle : l'information.
Le non juriste se perd peut-être dans les méandres des
textes de niveau national et européen. Et nous n'avons pas évoqué
le niveau international, notamment la Convention de Berne, sur lequel s'appuie
la proposition de directive. Il faut donc clarifier les rapports respectifs
établis entre directive et texte de droit interne. Une directive
européenne a pour vocation d'inciter les états-membres à
harmoniser dans un certain délai de manière à ce que
les diférents systèmes juridiques deviennent compatibles
et non identiques. On comprend dès lors qu'il restera un niveau
national de réglementation, qui s'adaptera et évoluera quelque
peu sous l'influence de la directive lorsque celle-ci sera adoptée.
Les deux niveaux de droit sont donc aa prendre en compte de manière
non exclusive. Il faut veiller aux deux évolutions.
Nous nous sommes penchés de manière accessoire sur un
phénomène pourtant essentiel pour notre sujet : la circulation
de l'information. Sans cette circulation, donc sans l'information, la question
du droit de l'auteur ne se poserait peut-être pas en des termes aussi
cruciaux. Or si l'auteur possède sur la mise en forme de l'information
un droit incontestable en tant qu'auteur, il est non moins incontestable
que la nécessaire circulation de l'information, elle, libre de tout
droit, ne doit jamais être perdue de vue. Microfor en France avait
déjà reconnu la liberté de l'oeuvre d'information.
La proposition de directive pousse un peu plus loin les choses en ce sens.
Ainsi apparaît-il un droit d'intérêt général
à la circulation de l'information, dont se réclament les
professionnels de l'information et de la documentation, qui tend à
limiter le droit individuel de l'auteur. La question de la rémunération
de l'investissement de l'éditeur est à notre sens un autre
débat, non fondé sur le terrain du strict droit de l'auteur.
Il s'apparente plus à ce droit naissant, dit sui generis, élaboré
par les instances européennes, en ce sens qu'il serait fondé
sur la notion économique de valeur ajoutée, de rentabilisation
des investissements. Il faut souhaiter que les partenaires en présence
trouvent rapidement un terrain d'entente où puissent se concilier
les intérêts bien compris des auteurs, des éditeurs
mais aussi des diffuseurs d'information que sont les producteurs de banques
de données et autres services d'information, de documentation et
de veille, outils stratégiques et vitaux pour les entreprises. Risquerons-nous
une paraphrase d'André Malraux ? : le XXIè siècle
sera informationnel ou ne sera pas.
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Didier Frochot - été 1994
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Mise en page Web : octobre 1999