LA
CODIFICATION
Rapide
historique – But – État de la question (1)
Mise
en ligne le 10 janvier 2002
N.B.
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Introduction
La codification est une entreprise
qui a préoccupé les peuples depuis bien longtemps. On en
trouve notamment des exemples dans l’antiquité du bassin méditerranéen.
L'idée de codes reprenant
l’ensemble des règles de droit avait germé à la fin
de l'Ancien régime. Des projets étaient en cours d'élaboration
lorsque survint la Révolution française. Cambacérès
s'est penché sur plusieurs projets de code civil pendant la Révolution.
C'est au Premier consul Bonaparte qu'il revint de faire aboutir la tâche
de Cambacérès, et c'est ainsi que le nom de Napoléon
est resté associé dans l'histoire à l’œuvre de codification.
1.
Les buts de la codification
La codification poursuit plusieurs
buts.
Dans un premier temps, un
code a pour objectif de réorganiser
l'ensemble des règles d'un grand domaine du droit. Il
a donc un
rôle de structurationde
cette matière. Il permet, au passage, d'éviter, et au besoin
de repérer, les incohérences du système juridique
ainsi construit.
En droit français,
le travail législatif est très soigné et les contrôles
sont nombreux (notamment par le biais du Secrétariat général
du Gouvernement). De sorte qu'il est rare qu'on trouve des incohérences,
voire des contradictions, dans les diverses règles que le législateur
produit. Mais il est certain qu'un travail de remise en perspective de
tout l'édifice intellectuel tel que celui de la codification garantit
plus encore contre les incohérences et les contradictions.
Dans un deuxième temps,
un code a pour but de rendre le droit plus lisible
au yeux du citoyen. À la place du « fatras »
juridique produit au jour le jour et de manière forcément
éparse, le citoyen va pouvoir trouver sous une présentation
méthodique et raisonnée toutes les règles auxquelles
il doit se conformer, ou tous les droits qu'il peut revendiquer.
D'une certaine manière,
le travail de codification est un travail documentaire.
Il y a un réel effort de recherche et de collecte des règles
de droit qui régissent un domaine afin de les présenter de
manière cohérente et donc plus simplifiée aux sujets
de droit.
Pour que l'effort d'accessibilité
du droit soit complet à l'égard du public, il conviendrait,
non plus seulement de codifier les règles de droit, mais aussi de
les rendre intelligibles par une simplification judicieuse du vocabulaire
et par des présentations synthétiques des grandes règles
de droit, sous forme de tableaux, schémas, etc. Ce nouvel effort
semble bien être en train de prendre corps avec le thème de
l'accès aux données publiques
et de tous les travaux mis en chantier autour de ce débat par le
gouvernement français ainsi que par les autorités européennes.
Les nombreux sites Internet de vulgarisation et de présentation
synthétique du droit, tant d'origine publique que d'initiative privée,
sont une illustration de cet effort.
2.
Les codes classiques
Les codes du Consulat
Le 1er élan codificateur
français remonte donc au Consulat. À cette époque
sont nés plusieurs codes. Le premier en date fut le code
civil (1804). Le suivant fut le code
de procédure civile (1806), puis le code
de commerce (1807). Furent également publiés
le code d'instruction criminelle (équivalent
de notre actuel code de procédure pénale,
1808) puis enfin le code pénal(1810).
Ce sont ces codes qui constituent la modèle de la codification
dite
classique.
Points communs avec
les codes modernes
Certains des éléments
de présentation sont communs à la codification classique
et la codification moderne :
- Articulation
des textes : Ce terme signifie que les textes sont rédigés
sous forme d'articles.
- Organisation
des matières traitées :
Un code est organisé en livres,
titres,
et chapitres. Il peut arriver que sous
les chapitres soit créées des sections, voire des paragraphes.
Mais la grande triple division d'un code est toujours celle des livres,
titres et chapitres.
Cette triple division joue
un rôle essentiel dans un code moderne.
Numérotation
en continu
Dans un code classique, l'ensemble
des articles est numéroté en continu.
Ainsi le code civil voit-il ses articles numérotés de l'article
1er à l’article 2283.
La présentation sous
forme de code classique a prévalu jusqu'au milieu des années
1950. C'est vers cette époque qu'on a commencé à adopter
le système de présentation des codes modernes.
3.
Les codes modernes
Une division tripartite
repérable
Le point commun d'un code classique
et d'un code moderne est sa division tripartite (livres, titres et chapitres).
Mais cette division à trois niveaux va fonder l'organisation d'un
code moderne.
Une numérotation
hiérarchique
Au lieu d'être numérotés
en continu, les articles recoivent une numérotation
qui traduit leur position dans le code par rapport aux trois
niveaux indiqués.
Les articles obéissent
ainsi à une numérotation indiciaire
à 3 chiffres.
- Le chiffre des centaines
correspond au numéro du livre.
- Le chiffre des dizaines
correspond à celui du titre.
- Et le chiffre des unités
correspond à celui du chapitre.
Ainsi, le 1er article du
chapitre 1 du titre 1 du livre 1, prendra le numéro de base 111.
Et comme en général il n'y a pas qu'un article dans un chapitre,
on donnera un sous-numéro d'ordre à chaque article. Ainsi
le tout 1er article d'un code moderne sera-t-il numéroté
111-1.
La distinction des sources
Une deuxième distinction
par rapport à la codification classique sera la séparation
entre les types de textes présentés.
Là où la codification
classique présentait indifféremment des textes émanant
de lois ou de règlements, la codification moderne s'attache à
séparer
les différentes sources de droit.
Il y aura ainsi une partie
législative et une partie
réglementaire dans un code moderne. On poussera même
parfois la distinction en séparant la partie réglementaire
en une partie réglementaire proprement
dite (décrets pris en Conseil d'État), et une
partie
dite « décrétale
» (décrets simples). Les numéros des articles de la
partie législative seront tous précédés de
la mention «L». Et les
numéros des articles de la partie réglementaire seront précédés
d'un «R». Si elle est présente,
la partie décrétale recevra la lettre «D».
Ainsi le 1er article de la partie législative d'un code sera-t-il
l'article L.111-1. Et le 1er article
de la partie réglementaire, l'article R.111-1.
La meilleure illustration
des codes modernes est la transformation du code
du travail dans les années 70. La plupart des codes promulgués
depuis cette période obéissent à la codification moderne.
On peut parfois y trouver des entorses aux règles ci-dessus énoncées.
Mais le travail de la dernière Commission
supérieure de codification, installée en 1989,
veille à ce que les règles soient respectées.
Qualités des
codes modernes
Cette présentation
est beaucoup plus rationnelle. Elle
permet immédiatement, à la simple lecture du numéro
d'un article, de savoir à quelle partie du code il appartient, et
de quelle source juridique il émane (la loi ou le règlement).
4.
Le nouvel élan codificateur en France.
Historique
Depuis 1945, deux instances
de codification se sont succédées en France. Cela montre
que depuis cette date la codification est une préoccupation continue
des pouvoirs publics. La deuxième Commission
supérieure de codification est rattachée directement
au premier ministre qui la préside officiellement. Mais la présidence
effective est assurée par son vice-président, actuellement
M. Guy Braibant, président de section au Conseil d'État.
Une pratique
devenue une réalité juridique
Une grande première,
sur le plan formel du moins, est apparue avec la loi du 12 avril 2000.
Cette loi transpose en effet un certain nombre de pratiques ou de doctrines
en matière de document administratif. Elle consacre un article pour
définir la codifiaction. Ainsi l’œuvre codificatrice reçoit-elle
une existence légale. Et certaines options de la codification à
la française sont ainsi confirmées et consacrées.
Caractéristiques
de l'actuelle codification
D'une part, on codifie à
droit
constant. Ce qui signifie qu'on ne modifie jamais le droit dans
une opération de codification. On va simplement reprendre l'ensemble
des textes qui existent sur un domaine et on va les remettre en perspective,
les réorganiser, les présenter selon un plan défini.
Un classement documentaire en quelque sorte…
D'autre part, on va respecter
le parallélisme des formes pour
la promulgation des différentes parties
des codes. Ce qui veut dire en clair que la partie législative
sera promulguée par une loi et que la partie réglementaire
sera promulguée par un décret. Les précédentes
opérations de codification contemporaines (première commission)
avaient toutes été réalisées par un décret
en Conseil d’État. On considérait alors que la simple remise
en forme de textes préexistants n’entraînait pas de conséquences
telles qu’il faille importuner le législateur pour si peu…
A
titre d’exemple, pris dans le droit de l’information, la
partie
législative
du
code la propriété
intellectuelle a été promulguée par
une
loi du 1er juillet 1992.
Elle a abrogé formellement l’ensemble des textes qu’elle réintégrait
dans le code. Ainsi la loi du 11 mars 1957, relative à la propriété
littéraire et artistique, a-t-elle été abrogée…
pour se retrouver mot pour mot, redistribuée dans le livre 1er du
code. La partie réglementaire
du même code a été publiée par un décret
du 10 avril 1995. Il a parallèlement abrogé l’ensemble
des dispositions réglementaires qu’il reprenait. Des tables de concordance
entre les articles des anciens textes et ceux du code sont publiées
par le JO et les différents éditeurs, afin que les praticiens
puissent s’adapter.
Cf. notre fiche présentant
la liste des codes officiels actuellement publiés
5. Les codes et l'édition
privée
Du code brut au code
annoté
Une code officiel est constitué
du seul texte mis en forme selon les méthodes décrites ci-dessus.
Il est promulgué en annexe du Journal officiel,
édition Lois et Décrets.
Ce type de code ensuite est édité régulièrement
en brochure par la Direction des Journaux officiels.
L'édition privée
s'est saisie des codes et les a fortement augmentés d'enrichissements
informationnels tels que renvois aux articles du même code, d'un
code à l'autre, insertion de textes connexes aux sujets traités
dans le code. Mais la force de ces outils documentaires est le renvoi à
la jursiprudence traitée de
manière raisonnée sous chaque article du code. Complété
par des renvois à des études doctrinales,
les codes de l'édition privée constituent de véritables
hyperdocuments
avant la lettre.
Les vrais codes et les
faux codes
Ce que nous venons de décrire
constitue ce que nous appelons les vrais codes.
Mais l'édition privée a pris l'initaitive d'éditer
également sous le nom de codes
des documents qui sont en réalité des compilations
de textes non codifiés. Ce sont ces documents que nous
appelons faux codes (2).
L'aventure prend des allures
surréalistes lorsque le prétendu code prend le nom d'un code
officiellement annoncé par la Commission supérieure de codification
et jamais abouti. C'est le cas pour le code du
sport de chez Dalloz. Plus
étonnant était le très officiel code
de commerce qui était devenu par la force des choses
une compilation puisque le droit commercial n'avait plus été
codifié en France depuis la dernière guerre mondiale. Le
code officiel s'était donc trouvé vidé de sa substance
et les codes privés s'efforçaient de réunir en un
ouvrage tous les textes épars du droit commercial. La question est
réglée depuis septembre 2000 avec le promulgation d'une nouvelle
version du code de commerce.
Parmi les plus célèbres
de ces faux codes, il faut citer entre
autres le code administratif, le codes
des sociétés, le code
des loyers et de la copropriété, qui sont des
agencements de codes ou d'extraits de codes augmentés de textes
non codifiés.
Ces faux codes ont une grande
valeur pratique. Dans le domaine du droit de l'information, nous citerons
le récent code de la communication
de chez Dalloz qui présente
une assez vaste sélection de textes sur le droit de l'information
et de la communication.
©
Didier Frochot – janvier 2002
Notes
du texte
1
- Sur cette question, voir l'excellent mémoire de l'INTD que nous
avons eu le plaisir de conduire : La codification : une démarche
d'information pour favoriser l'accès au droit ? / Eve-Marie
Facomprez-Davy. – Mémoire de DESS soutenu le 6 octobre 1997 à
l'INTD. – 144 p.
2
- André Dunes (cf. bibliographie)
les nommait plus malicieusement les codes "sauvages", sans qu'il y ait
nulle critique de la part de celui qui fut longtemps de rédacteur
en chef du Recueil Dalloz-Sirey...