LES
BASES DE DONNÉES JURIDIQUES EN FRANCE
Rapide
historique – état de la question
Mise
en ligne le 10 janvier 2002
Mise à
jour : 20 octobre 2002
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A.
AUX ORIGINES DE L'INFORMATIQUE DOCUMENTAIRE
Très
tôt, les juristes ont cherché à se servir de l'informatique
documentaire. C'est ainsi qu'ils ont pratiquement été les
pionniers en matière de bases de données documentaires, tout
comme ils ont été parmi les pionniers de la documentation
pour les besoins de l’information juridique.
C'est
ainsi que les toutes premières recherches en informatique juridique
documentaire ont démarré dans les années 60. C'est
dans les premières années 70 que les recherches se sont structurées
en France à l'IRETIJ
(Institut de recherche et d'études pour le traitement de l'informatique
juridique) à Montpellier, né en 1968.
B.
LES PREMIÈRES EXPLOITATIONS EN VRAIE GRANDEUR
1.
JURINPI
La première
base de données juridiques à avoir été créée
est celle de l'INPI
(Intsitut national de la propriété
industrielle). C'est en 1972 que JURINPI
est créée. Elle contient des documents sur la propriété
industrielle : doctrine, jurisprudence...
2.
Le CEDIJ
C'est au milieu
des années 70 que va naître le Centre
d'études de l'informatique juridique (CEDIJ).
Il est rattaché aux services du Premier ministre et se propose de mettre
sous forme de bases de données le Journal officiel et le droit français.
3.
SYDONI
Lancé
à l'initiative du notariat, via les CRIDON (Centres
régionaux d'information et de documentation du notariat)
et financé par la Caisse des dépôts et consignations,
la base de données SYDONI (Système
de documentation du notariat) intégrait
à la fois des textes officiels, de la jurisprudence et de la doctrine.
4.
JURISDATA
Les Éditions
techniques qui publiaient alors les Juris-classeurs prirent
dans le même temps l'initiative de réaliser leur propre base de données
juridiques : JURISDATA.
Celle-ci proposait un grand nombre de jurisprudences, présentées,
non pas encore en texte intégral, mais sous forme d'abstrats.
C.
LA RATIONALISATION DES ACCÈS.
1.
Le rapport Leclercq
Au début
des années 80, les pouvoirs publics se sont émus du fait que plusieurs
productions de bases de données juridiques étaient financées
par des fonds publics. Ainsi le contribuable payait-il indirectement deux fois
la saisie et le stockage des mêmes données juridiques, entrant dans
des bases différentes. Le Premier ministre de l'époque commanda
alors en 1982 une étude sur l'état des bases de données juridiques
françaises et sur leur avenir à Pierre Leclercq, alors conseiller
à la Cour d’appel de Paris. Celui-ci, entouré de deux coauteurs,
élabora et rendit un rapport, resté célèbre sous le
nom de rapport Leclercq
(inédit).
2.
La réforme de 1984
Contrairement
à beaucoup d'autres rapports qui n'aboutissent à rien de
concret, le rapport Leclercq sera immédiatement suivi d'effet. Le
Premier ministre publiait le 24 octobre 1984 un décret organisant
le
service public des bases de données juridiques. Ce texte sera
suivi d’une circulaire au début de 1985 . Il faut saluer le souci
de rationalisation des banques de données d'un domaine de la connaissance.
L’un des traits fondamentaux de la réforme va en effet porter sur
une répartition des efforts des différents producteurs de
bases de données. Cette réorganisation devait permettre d'éviter
au maximum les doublons. Ce qui n'est pas le cas pour d'autres bases de
données, notamment en matière d'économie et de gestion.
Les
partages d'influence
Suivant assez
fidèlement le rapport Leclercq, la circulaire instituant le service juridique
des bases de données, va répartir les responsabilités entre
les différents partenaires.
Sous la dénomination
de Journal officiel électronique le
rapport suggérait le regroupement de la législation et de la jurisprudence
des cours suprêmes (Conseil d’État et Cour de Cassation). C'est un
trait assez caractéristique du rapport Leclercq que d'avoir considéré
la jurisprudence des cours suprêmes au même degré d'importance
que la législation écrite. L'ensemble réalisé concrètement
devait être confié à un organisme succédant au CEDIJ,
dénommé Centre national d'informatique
juridique (CNIJ),
et rattaché à la Direction des journaux
officiels.
Jurisdata
se voyait confirmer dans sa mission de recenser une sélection de
la jurisprudence des cours et tribunaux.
Quant à
Sydoni, cette
entreprise se voyait confier la mission de produire les encyclopédies
électroniques identifiées par le rapport Leclercq.
Un
serveur unique
La
réforme, suivant en cela le rapport, confiait l'ensemble de l'hébergement
à un serveur unique, en l'occurrence le principal serveur national,
Questel.
Une
société de distribution
La
nouveauté, dans le paysage habituel des bases de données
professionnelles, était la création d'un intermédiaire
: une société de distribution chargée de commercialiser
l'ensemble des bases de données juridiques. Ce sera la société
Juridial,
dépendant à l’origine de la Caisse des dépôts
et rattachée à l’autre serveur national : l’Européenne
de données...
3.
L'offre privée : Lexis Téléconsulte
Parallèlement
à cette initiative des pouvoirs publics : CNIJ et Sydoni, associés
à Jurisdata, une initiative totalement privée et de grande envergure
naissait. La société Téléconsulte,
filiale de l'hebdomadaire Le Point,
allait créer, avec le partenaire américain Lexis
Nexis, la première grande base de données
en texte intégral du droit français, contenant la totalité
du contenu du Journal officiel en remontant jusqu'aux années 50, et l'intégralité
des décisions des cours suprêmes remontant à peu près
aux mêmes années. Pour diverses raisons, cette offre fit grand bruit
à l'époque.
D.
L’ÉVOLUTION JUSQU’À NOS JOURS
1.
De Juridial à Jurifrance
Depuis la fin
des années 80, le paysage des banques de données professionnelles
a beaucoup changé. Nous ne mentionnons que les grands jalons de cette évolution.
D’abord, Sydoni va disparaître sans être réellement remplacée
en termes d’offre générale de doctrine. On peut penser que son digne
successeur est aujourd’hui la collection des Ouvrages
de Lamyline.
Mais il s’agit là d’une offre restreinte à la seule production éditoriale
de Lamy, certes volumineuse mais limitée à un éditeur à
certains domaines du droit. Les nombreux sites Internet gratuits sur le droit
français, universitaires, privés ou publics, complètent cette
notion d’encyclopédie juridique, chère au rapport Leclerq.
L'arrivée
d'Internet, et spécialement du Web, a bousculé le marché.
Juridial, filiale de l'Européenne de données, elle-même
devenue filiale d’ORT
(Office de renseignements télématique),
va se transformer en un service complet nommé Jurifrance.
Après une courte période pendant laquelle l'accès
aux bases de données juridiques ne sera possible que via un logiciel
spécifique, Jurifrance a développé une interface Web
des plus performantes.
La
concession de service public
Depuis le décret
signalé plus haut, le service des bases de données juridiques officielles
(hormis celles purement privées) est devenu un service public. L'État
n’ayant pas les compétences pour ce faire, il a concédé ce
service public à une entreprise privée. Ce sera d’abord le couple
Juridial + Questel. Lors du dernier renouvellement de la concession (courant 1998,
avec prise d’effet au 1er janvier de cette année) c’est le groupe successeur,
à savoir ORT qui signe la concession (serveur et distributeur) pour 7 ans,
pour le compte de sa filiale l’Européenne de données. C’est ainsi
que Jurifrance, comme on l’a dit, succède à Juridial. La concession
est garantie par une disposition faisant interdiction aux administrations de gérer
elles-mêmes leurs bases de données et les enjoignant de recourir
au concessionnaire unique (décret du 31 mai 1996).
2.
De Lexis à Lamyline
Dans le même
temps, les bases Lexis, rachetées par les éditions Lamy vont devenir
l’offre Documentation officielle de
Lamyline. Eux
aussi vont concevoir une interface Web. Aux côtés de cette offre,
Lamy propose un accès au texte intégral de ses ouvrages bien connus
: la collection des Ouvrages.
L’abonnement peut être scindé en deux : on peut s’abonner à
l’accès à la documentation officielle sans avoir accès aux
ouvrages Lamy.
3.
Le SPAD devenu SPDDI 
La grande nouveauté
de ce début de siècle est la fin de la concession de service public
et la mise en place par volonté gouvernementale d'un service public d'accès
au droit (SPAD) gratuit et
pour tous.
C'est le sens de la mise en place de ce qui finalement va recevoir le nom de service
public de diffusion du droit sur internet (SPDDI). Le service est ouvert le 16
septembre 2002. Par delà les difficultés de rodage de ce service
quelque peu victime de son succès, le gain est considérable puisque
c'est presque tous les anciens fonds de Jurifrance qui basculent en accès
gratuit, y compris - c'est là la plus grande avancée - la jurisprudence.
C'est aussi sur ce terrain que la nouveauté est la plus remarquable puisque
pour remplacer les données de Jurisdata (résumés de sélections
de décisions des cours et tribunaux) qui restent hors du service public
comme par le passé (Juris ne constituait qu'une délégation
de concession de service public), les pouvoirs publics fournissent un lot significatif
d'arrêts de cours d'appel en texte intégral. Il est annoncé
que le fonds d'arrêts de cours d'appel sera considérablement étoffé
dans un proche avenir. A suivre donc.
De même pour la jurisprudence administrative, l'accès est à
présent gratuit pour l'ensemble des cours amdinistratives d'appel et pour
une sélection de jugements de tribunaux administratifs (en résumés,
sauf exception). Pour le détail de toutes ces nouveautés, se reporter
à notre nouveau tableau comparatif des accès
au droit.
4.
Le labyrinthe d’accès au droit 
Aujourd'hui,
le labyritnhe d'accès au droit que nous dénoncions jusque là
se trouve simplifié. Pour l'accès aux textes officiels français,
on se trouve face à une solution officielle unique qui offre presque tout
ce qui est nécessaire au citoyen et même pour l'usage plus courant
des juristes. Lamyline, l'ancien concurrent direct, garde un léger avantage
sur le terrain de l'ancienneté des fonds du Journal officiel et des Cours
suprêmes.
De plus, il est à prévoir l'émergence sur le marché,
par le biais du régime des licences, des offres de service à valeur
ajoutée émanant d'éditeurs privés.
Afin de mieux s'y retrouver dans ce labyrinthe, nous proposons un tableau
comparatif des accès au droit sur l'accès au droit français
et au journal officiel des communautés européennes ainsi qu'à
la jurisprudence nationale et communautaire. Nous nous efforcerons de signaler
dans celui-ci ou en marge les offres privées à mesure qu'elles apparaitront.
© Didier
Frochot – octobre 2002