Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978

relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés

(Début : Principes et définitions, CNIL, formalités préalables au traitement automatisé)

(Journal Officiel du 7 janvier 1978)

N.B. Ces textes ne sont fournis qu'à titre purement indicatif. Le seul texte
qui fait foi est celui publié par le Journal officiel de la République française.



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Chapitre Ier : Principes et définitions

Article 1er
L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.

Article 2
Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé.
Aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé.

Article 3
Toute personne a le droit de connaître et de contester les informations et les raisonnements utilisés dans les traitements automatisés dont les résultats lui sont opposés .

Article 4
Sont réputées nominatives au sens de la présente loi les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l'identification des personnes physiques auxquelles elles s'appliquent, que le traitement soit effectué par une personne physique ou par une personne morale.

Article 5
Est dénommé traitement automatisé d'informations nominatives au sens de la présente loi tout ensemble d'opérations réalisées par des moyens automatiques, relatif à la collecte, l'enregistrement, l'élaboration, la modification, la conservation et la destruction d'informations nominatives ainsi que tout ensemble d'opérations de même nature se rapportant à l'exploitation de fichiers ou bases de données et notamment les interconnexions ou rapprochements, consultations ou communications d'informations nominatives.

Chapitre II : La Commission nationale de l'informatique et des libertés

Article 6
Une Commission nationale de l'informatique et des libertés est instituée. Elle est chargée de veiller au respect des dispositions de la présente loi, notamment en informant toutes les personnes concernées de leurs droits et obligations, en se concertant avec elles et en contrôlant les applications de l'informatique aux traitements des informations nominatives. La commission dispose à cet effet d'un pouvoir réglementaire, dans les cas prévus par la présente loi.

Article 7
Les crédits nécessaires à la commission nationale pour l'accomplissement de sa mission sont inscrits au budget du ministère de la justice. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle financier ne sont pas applicables à leur gestion. Les comptes de la commission sont présentés au contrôle de la Cour des comptes.
Toutefois, les frais entraînés par l'accomplissement de certaines des formalités visées aux articles 15, 16, 17 et 24 de la présente loi peuvent donner lieu à la perception des redevances.

Article 8
La Commission nationale de l'informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante .
Elle est composée de dix-sept membres nommés pour cinq ans ou pour la durée de leur mandat :
- deux députés et deux sénateurs élus, respectivement par l'Assemblée nationale et par le Sénat ;
- deux membres du Conseil économique et social, élus par cette assemblée ;
- deux membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, dont l'un d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l'assemblée générale du Conseil d'Etat ;
- deux membres ou anciens membres de la Cour de cassation, dont l'un d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l'assemblée générale de la Cour de cassation ;
- deux membres ou anciens membres de la Cour des comptes, dont l'un d'un grade au moins égal à celui de conseiller-maître, élus par l'assemblée générale de la Cour des comptes ;
- deux personnes qualifiées pour leur connaissance des applications de l'informatique, nommées par décret sur proposition respectivement du président de l'Assemblée nationale et du président du Sénat ;
- trois personnalités désignées en raison de leur autorité et de leur compétence par décret en Conseil des ministres.
La commission élit en son sein, pour cinq ans, un président et deux vice-présidents.
La commission établit son règlement intérieur.
En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
Si, en cours de mandat, le président ou un membre de la commission cesse d'exercer ses fonctions, le mandat de son successeur est limité à la période restant à courir.
La qualité de membre de la commission est incompatible :
- avec celle de membre du Gouvernement ;
- avec l'exercice de fonctions ou la détention de participation dans les entreprises concourant à la fabrication de matériel utilisé en informatique ou en télécommunication ou à la fourniture de services en informatique ou en télécommunication.
La commission apprécie dans chaque cas les incompatibilités qu'elle peut opposer à ses membres.
Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre qu'en cas d'empêchement constaté par la commission dans les conditions qu'elle définit.

Article 9
Un commissaire du Gouvernement, désigné par le Premier ministre, siège auprès de la commission. Il peut, dans les dix jours d'une délibération , provoquer une seconde délibération.

Article 10
La commission dispose de services qui sont dirigés par le président ou, sur délégation, par un vice-président et placés sous son autorité.
La commission peut charger le président ou le vice-président délégué d'exercer ses attributions en ce qui concerne l'application des articles 16, 17 et 21 (4°, 5° et 6°).
Les agents de la commission nationale sont nommés par le président ou le vice-président délégué.

Article 11
La commission peut demander aux premiers présidents de cour d'appel ou aux présidents de tribunaux administratifs de déléguer un magistrat de leur ressort, éventuellement assisté d'experts, pour des missions d'investigation et de contrôle effectuées sous sa direction.

Article 12
(Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 256 et 333 Journal Officiel du 23 décembre 1992)
Les membres et les agents de la commission sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, dans les conditions prévues à l'article 413-10 du code pénal et, sous réserve de ce qui est nécessaire à l'établissement du rapport annuel prévu ci-après, aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

Article 13
Dans l'exercice de leurs attributions, les membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.
Les informaticiens appelés, soit à donner les renseignements à la commission, soit à témoigner devant elle, sont déliés en tant que de besoin de leur obligation de discrétion.

Chapitre III : Formalités préalables à la mise en œuvre des traitements automatisés

Article 14
La Commission nationale de l'informatique et des libertés veille à ce que les traitements automatisés, publics ou privés, d'informations nominatives, soient effectués conformément aux dispositions de la présente loi .

Article 15
Hormis les cas où ils doivent être autorisés par la loi, les traitements automatisés d'informations nominatives opérés pour le compte de l'Etat, d'un établissement public ou d'une collectivité territoriale, ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, sont décidés par un acte réglementaire pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés .
Si l'avis de la commission est défavorable, il ne peut être passé outre que par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat ou, s'agissant d'une collectivité territoriale, en vertu d'une décision de son organe délibérant approuvée par décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat.
Si, au terme d'un délai de deux mois renouvelable une seule fois sur décision du président, l'avis de la commission n'est pas notifié, il est réputé favorable.

Article 16
Les traitements automatisés d'informations nominatives effectués pour le compte de personnes autres que celles qui sont soumises aux dispositions de l'article 15 doivent, préalablement à leur mise en œuvre, faire l'objet d'une déclaration, auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Cette déclaration comporte l'engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi.
Dès qu'il a reçu le récépissé délivré sans délai par la commission, le demandeur peut mettre en œuvre le traitement. Il n'est exonéré d'aucune de ses responsabilités.

Article 17
Pour les catégories les plus courantes de traitements à caractère public ou privé, qui ne comportent manifestement pas d'atteinte à la vie privée ou aux libertés, la commission nationale de l'informatique et des libertés établit et publie des normes simplifiées inspirées des caractéristiques mentionnées à l'article 19.
Pour les traitements répondant à ces normes, seule une déclaration simplifiée de conformité à l'une de ces normes est déposée auprès de la commission. Sauf décision particulière de celle-ci, le récépissé de déclaration est délivré sans délai. Dès réception de ce récépissé, le demandeur peut mettre en œuvre le traitement. Il n'est exonéré d'aucune de ses responsabilités.

Article 18
L'utilisation du répertoire national d'identification des personnes physiques en vue d'effectuer des traitements nominatifs est autorisée par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission .

Article 19
La demande d'avis ou la déclaration doit préciser :
- la personne qui présente la demande et celle qui a pouvoir de décider la création du traitement ou, si elle réside à l'étranger, son représentant en France ;
- les caractéristiques, la finalité et, s'il y a lieu, la dénomination du traitement ;
- le service ou les services chargés de mettre en œuvre celui-ci ;
- le service auprès duquel s'exerce le droit d'accès défini au chapitre V ci-dessous ainsi que les mesures prises pour faciliter l'exercice de ce droit ;
- les catégories de personnes qui, à raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, ont directement accès aux informations enregistrées ;
- les informations nominatives traitées, leur origine et la durée de leur conservation ainsi que leurs destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces informations ;
- les rapprochements, interconnexions ou toute autre forme de mise en relation de ces informations ainsi que leur cession à des tiers ;
- les dispositions prises pour assurer la sécurité des traitements et des informations et la garantie des secrets protégés par la loi ;
- si le traitement est destiné à l'expédition d'informations nominatives entre le territoire français et l'étranger, sous quelque forme que ce soit, y compris lorsqu'il est l'objet d'opérations partiellement effectuées sur le territoire français à partir d'opérations antérieurement réalisées hors de France.
Toute modification aux mentions énumérées ci-dessus, ou toute suppression de traitement, est portée à la connaissance de la commission.
Peuvent ne pas comporter certaines des mentions énumérées ci-dessus les demandes d'avis relatives aux traitements automatisés d'informations nominatives intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique.

Article 20
L'acte réglementaire prévu pour les traitements régis par l'article 15 ci-dessus précise notamment :
- la dénomination et la finalité du traitement ;
- le service auprès duquel s'exerce le droit d'accès défini au chapitre V ci-dessous ;
- les catégories d'informations nominatives enregistrées ainsi que les destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces informations.
Des décrets en Conseil d'Etat peuvent disposer que les actes réglementaires relatifs à certains traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique ne seront pas publiés.

Article 21
Pour l'exercice de sa mission de contrôle, la commission :
1° Prend des décisions individuelles ou réglementaires dans les cas prévus par la présente loi ;
2° Peut, par décision particulière, charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents, assistés, le cas échéant, d'experts, de procéder, à l'égard de tout traitement, à des vérifications sur place et de se faire communiquer tous renseignements et documents utiles à sa mission ;
3° Édicte, le cas échéant, des règlements types en vue d'assurer la sécurité des systèmes ; en cas de circonstances exceptionnelles, elle peut prescrire des mesures de sécurité pouvant aller jusqu'à la destruction des supports d'informations ;
4° Adresse aux intéressés des avertissements et dénonce au parquet les infractions dont elle a connaissance, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale ;
5° Veille à ce que les modalités de mise en œuvre du droit d'accès et de rectification indiquées dans les actes et déclarations prévus aux articles 15 et 16 n'entravent pas le libre exercice de ce droit ;
6° Reçoit les réclamations, pétitions et plaintes ;
7° Se tient informée des activités industrielles et de services qui concourent à la mise en œuvre de l'informatique.
Les ministres, autorités publiques, dirigeants d'entreprises, publiques ou privées, responsables de groupements divers et plus généralement les détenteurs ou utilisateurs de fichiers nominatifs ne peuvent s'opposer à l'action de la commission ou de ses membres pour quelque motif que ce soit et doivent au contraire prendre toutes mesures utiles afin de faciliter sa tâche.

Article 22
La commission met à la disposition du public la liste des traitements qui précise pour chacun d'eux :
- la loi ou l'acte réglementaire décidant de sa création ou la date de sa déclaration ;
- sa dénomination et sa finalité ;
- le service auprès duquel est exercé le droit d'accès prévu au chapitre V ci-dessous ;
- les catégories d'informations nominatives enregistrées ainsi que les destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces informations.
Sont tenus à la disposition du public, dans les conditions fixées par décret, les décisions, avis ou recommandations de la commission dont la connaissance est utile à l'application ou à l'interprétation de la présente loi .

Article 23
La commission présente chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport rendant compte de l'exécution de sa mission. Ce rapport est publié.
Ce rapport décrira notamment les procédures et méthodes de travail suivies par la commission et contiendra en annexe toutes informations sur l'organisation de la commission et de ses services, propres à faciliter les relations du public avec celle-ci.

Article 24
Sur proposition ou après avis de la commission , la transmission entre le territoire français et l'étranger, sous quelque forme que ce soit, d'informations nominatives faisant l'objet de traitements automatisés régis par l'article 16 ci-dessus peut être soumise à autorisation préalable ou réglementée selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, en vue d'assurer le respect des principes posés par la présente loi.

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