DOCUMENTS ÉLECTRONIQUES

ET DROIT D'AUTEUR

Journée d'étude du 7 décembre 1993

Compte rendu publié dans
Le bulletin bibliographique de l'INTD
Numéro de décembre 1993


Mise en page Web et corrections : octobre 1999


 

Conçue comme une soeur de la journée du 10 décembre 1992 sur La reprographie en accusation, souhaitée autant par l'INTD que par le Centre Français d'exploitation du droit de Copie (CFC), cette journée se proposait de brosser un état de l'art des questions de droit, et spécialement de droit d'auteur, posées par les "documents électroniques".

La matinée, animée par Didier Frochot, présentait un tableau de la situation juridique et l'après-midi était consacrée à la présentation des positions d'un serveur (Questel), du CFC et à un débat sur la question.

Il s'agissait dans un premier temps de tenter de définir la notion assez floue de document électronique. Si les banques de données - accessibles ou non en ligne - et les CD-ROM sont inclus sans aucun doute dans la typologie des documents électroniques, il convient d'envisager également des documents plus éloignés des préoccupations documentaires classiques tels que les logiciels, les messages de messagerie électronique, mais aussi certaines éditions diffusées sur disquette (par ex.: formulaire juridique édité en format traitement de texte). Tous ces documents sont susceptibles de causer des difficultés juridiques, d'où l'importance.

Suivait après cette rapide typologie l'évocation de l'ensemble des questions juridiques pouvant se poser.
Ainsi étaient abordées les questions suivantes :
- confidentialité des données : secret professionnel, secret défense, sûreté nationale, nominativité des données (informatique et libertés) ;
- flux transfrontières de données ;
- droit de la presse et droit de  la télématique, largement dérivé du premier ;
- droit des contrats, plus important et lié aux questions de droit d'auteur.
Il convenait de s'attarder davantage sur cette question, en soulignant l'importance fondamentale d'un bon contrat, prévoyant tous les cas de conflits possibles, gage de paix et de tranquillité dans tout projet documentaire, a fortiori dans un projet touchant aux documents électroniques, compte tenu de la complexité juridique largement exposée dans la suite de la journée. Un des points notables des contrats concerne le taux d'indisponibilité : inaccessibilité de l'information sur un serveur, pour des raisons inhérentes à ce dernier (pannes, dysfonctionnement de l'anté-serveur...).
- dépôt légal, avec toutes les difficultés que cela suppose pour des matières volatiles, et susceptibles de mises à jour multiples telles que les documents électroniques.

À la suite de cette introduction en deux parties, étaient envisagées les questions concernant les documents électroniques au regard du droit d'auteur.
Tout d'abord étaient rappelés les grands principes du droit d'auteur. Ce droit ne protège que les créations de forme, les idées, elles, n'étant pas protégées. La conséquence est d'importance pour les documentalistes dans le transfert d'information. En effet les informations sont du domaine des idées et donc librement transmissibles. La question se pose toutes les fois que cette information est "enchâssée" dans un texte d'auteur, qui de ce fait est transmis lui aussi.
Le plan choisi reprenait le cheminement de l'information depuis sa source jusqu'à l'utilisateur final. Ce plan permettait de mettre particulièrement en lumière les aspects de droit d'auteur puisque c'est à chaque transfert d'information que ces questions se posent.

Si l'on part de l'information brute, deux cas de figure se présentent. Soit l'information est retraitée par un auteur et dans ce cas la question du droit de celui-ci se pose. Soit l'information reste brute, et dans ce cas se posera ultérieurement la question de la valeur ajoutée représentée par le stockage et le traitement informatique de celles-ci sur banque de données. La proposition de directive européenne sur la protection juridique des banques de données prévoit en effet un droit de protection sui generis de ce type de banque, alors que la jurisprudence française refuse la protection par le droit d'auteur à des telles banques de données considérées comme des oeuvres de compilation.
Dans l'hypothèse où il y a oeuvre d'auteur, et donc droit de l'auteur, il faut savoir que la question de l'autorisation de l'auteur devra se poser lors de chaque opération de transfert : traitement documentaire, stockage sur banque de données, copie de cette banque de données sur serveur ou sur CD--ROM, mise en ligne ou édition du produit, consultation par le client, transmission à l'utilisateur final.
S'agissant du traitement documentaire à proprement parler, les solutions dégagées par la loi et la célèbre jurisprudence Microfor/Le Monde (1978-1988) doivent être soigneusement prises en compte, notamment s'agissant du régime juridique du résumé documentaire. Le "bon" résumé, en effet, celui qui est libre de toute autorisation de l'auteur, suppose qu'il soit purement informatif, réalisé dans un but documentaire et ne dispensant pas le lecteur de recourir à la lecture de l'oeuvre première. En pratique on voit donc que le résumé dit informatif dans nos métiers, dévoilant le contenu de l'article "dépouillé", est hors la loi. La proposition de directive européenne déjà citée ne précise rien sur les types de traitements documentaires. Au regard de la pratique professionnelle, on peut seulement relever que les euro-juristes avaient considéré dans la première version du texte que le thésaurus s'analysait en un "outil électronique" accessoire du logiciel documentaire...

Luc Joanicot, juriste de Questel, présentait en début d'après-midi la pratique juridique d'un serveur. Il insistait notamment sur l'importance des contrats, puisque le serveur, dans son rôle commercial, est l'intermédiaire entre le producteur et l'utilisateur, abonné ou non (kiosque). Il doit donc nouer des relations contractuelles avec l'un et l'autre.

Patrick Join-Lambert, président du Centre Français d'exploitation du droit de Copie, intervenait pour exposer la position des éditeurs. En fait, aucune position commune n'étant arrêtée, le CFC ne peut que se borner à renvoyer les demandeurs de convention auprès de chaque éditeur concerné.

Le débat a très peu porté sur les questions de document électronique, puisque la position du CFC n'est pas arrêtée. Les participants ont préféré revenir sur des questions concernant l'autorisation de reproduire en général, le rôle des éditeurs et des auteurs dans le circuit de l'information. Ces questions sont toujours aussi délicates et la position du CFC ne semble pas avoir évolué en ce domaine.

Didier Frochot

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