Conçue comme une soeur de la journée du 10 décembre 1992 sur La reprographie en accusation, souhaitée autant par l'INTD que par le Centre Français d'exploitation du droit de Copie (CFC), cette journée se proposait de brosser un état de l'art des questions de droit, et spécialement de droit d'auteur, posées par les "documents électroniques".
La matinée, animée par Didier Frochot, présentait un tableau de la situation juridique et l'après-midi était consacrée à la présentation des positions d'un serveur (Questel), du CFC et à un débat sur la question.
Il s'agissait dans un premier temps de tenter de définir la notion assez floue de document électronique. Si les banques de données - accessibles ou non en ligne - et les CD-ROM sont inclus sans aucun doute dans la typologie des documents électroniques, il convient d'envisager également des documents plus éloignés des préoccupations documentaires classiques tels que les logiciels, les messages de messagerie électronique, mais aussi certaines éditions diffusées sur disquette (par ex.: formulaire juridique édité en format traitement de texte). Tous ces documents sont susceptibles de causer des difficultés juridiques, d'où l'importance.
Suivait après cette rapide typologie l'évocation de l'ensemble
des questions juridiques pouvant se poser.
Ainsi étaient abordées les questions suivantes :
- confidentialité des données : secret professionnel,
secret défense, sûreté nationale, nominativité
des données (informatique et libertés) ;
- flux transfrontières de données ;
- droit de la presse et droit de la télématique,
largement dérivé du premier ;
- droit des contrats, plus important et lié aux questions de
droit d'auteur.
Il convenait de s'attarder davantage sur cette question, en soulignant
l'importance fondamentale d'un bon contrat, prévoyant tous les cas
de conflits possibles, gage de paix et de tranquillité dans tout
projet documentaire, a fortiori dans un projet touchant aux documents électroniques,
compte tenu de la complexité juridique largement exposée
dans la suite de la journée. Un des points notables des contrats
concerne le taux d'indisponibilité : inaccessibilité de l'information
sur un serveur, pour des raisons inhérentes à ce dernier
(pannes, dysfonctionnement de l'anté-serveur...).
- dépôt légal, avec toutes les difficultés
que cela suppose pour des matières volatiles, et susceptibles de
mises à jour multiples telles que les documents électroniques.
À la suite de cette introduction en deux parties, étaient
envisagées les questions concernant
les documents électroniques au regard du droit d'auteur.
Tout d'abord étaient rappelés les grands
principes du droit d'auteur. Ce droit ne protège que
les créations de forme, les idées, elles, n'étant
pas protégées. La conséquence est d'importance pour
les documentalistes dans le transfert d'information. En effet les informations
sont du domaine des idées et donc librement transmissibles. La question
se pose toutes les fois que cette information est "enchâssée"
dans un texte d'auteur, qui de ce fait est transmis lui aussi.
Le plan choisi reprenait le cheminement de l'information depuis sa
source jusqu'à l'utilisateur final. Ce plan permettait de mettre
particulièrement en lumière les aspects de droit d'auteur
puisque c'est à chaque transfert d'information que ces questions
se posent.
Si l'on part de l'information brute,
deux cas de figure se présentent. Soit l'information est retraitée
par un auteur et dans ce cas la question du droit de celui-ci se pose.
Soit l'information reste brute, et dans ce cas se posera ultérieurement
la question de la valeur ajoutée représentée par le
stockage et le traitement informatique de celles-ci sur banque de données.
La proposition de directive européenne sur la protection juridique
des banques de données prévoit en effet un droit de protection
sui generis de ce type de banque, alors que la jurisprudence française
refuse la protection par le droit d'auteur à des telles banques
de données considérées comme des oeuvres de compilation.
Dans l'hypothèse où il y a oeuvre d'auteur, et donc droit
de l'auteur, il faut savoir que la question de
l'autorisation de l'auteur devra se poser lors de chaque opération
de transfert : traitement documentaire, stockage sur banque
de données, copie de cette banque de données sur serveur
ou sur CD--ROM, mise en ligne ou édition du produit, consultation
par le client, transmission à l'utilisateur final.
S'agissant du traitement documentaire
à proprement parler, les solutions dégagées
par la loi et la célèbre jurisprudence Microfor/Le Monde
(1978-1988) doivent être soigneusement prises en compte,
notamment s'agissant du régime juridique
du résumé documentaire. Le "bon" résumé,
en effet, celui qui est libre de toute autorisation de l'auteur, suppose
qu'il soit purement informatif, réalisé dans un but documentaire
et ne dispensant pas le lecteur de recourir à la lecture de l'oeuvre
première. En pratique on voit donc que le résumé dit
informatif dans nos métiers, dévoilant le contenu de l'article
"dépouillé", est hors la loi. La proposition de directive
européenne déjà citée ne précise rien
sur les types de traitements documentaires. Au regard de la pratique professionnelle,
on peut seulement relever que les euro-juristes avaient considéré
dans la première version du texte que le thésaurus s'analysait
en un "outil électronique" accessoire du logiciel documentaire...
Luc Joanicot, juriste de Questel, présentait en début d'après-midi la pratique juridique d'un serveur. Il insistait notamment sur l'importance des contrats, puisque le serveur, dans son rôle commercial, est l'intermédiaire entre le producteur et l'utilisateur, abonné ou non (kiosque). Il doit donc nouer des relations contractuelles avec l'un et l'autre.
Patrick Join-Lambert, président du Centre Français d'exploitation du droit de Copie, intervenait pour exposer la position des éditeurs. En fait, aucune position commune n'étant arrêtée, le CFC ne peut que se borner à renvoyer les demandeurs de convention auprès de chaque éditeur concerné.
Le débat a très peu porté sur les questions de document électronique, puisque la position du CFC n'est pas arrêtée. Les participants ont préféré revenir sur des questions concernant l'autorisation de reproduire en général, le rôle des éditeurs et des auteurs dans le circuit de l'information. Ces questions sont toujours aussi délicates et la position du CFC ne semble pas avoir évolué en ce domaine.
Didier Frochot